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Fatiha, 56 ans, auxiliaire de vie en CDI à la rue.

Rupture conjugale, problème de santé, licenciement... le traumatisme de l'expulsion fait souvent suite à un drame survenu brutalement. En lien avec l'agence Rhône-Alpes de la Fondation et en collaboration avec le journal Rue89 Lyon, des personnes ont bien voulu témoigner et évoquer ce basculement qui a bouleversé leur vie.

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En 2014 en Rhône-Alpes, on dénombrait 15 967 assignations au tribunal pour expulsion locative, soit pratiquement un millier de plus qu’en 2013. Les décisions de justice prononçant l’expulsion ont suivi cette progression pour atteindre 12 809 décisions en 2014.

Fatiha, 56 ans, auxiliaire de vie en CDI, expulsée et à la rue depuis juillet 2015

« Quand mon mari est parti en 2009, les ennuis ont commencé direct. Je me suis retrouvée toute seule à payer le loyer (670 €), avec une séparation très difficile pour moi. J’avais un loyer complet à régler alors que je travaillais moins d’un mi-temps. Le loyer, un mois je le payais, un mois je ne le payais pas. Et petit à petit la dette a augmenté. Du coup, la Caisse d’Allocations Familiales a bloqué mon dossier d’APL. »

L’OPAC m’a proposé un appartement plus petit avec un loyer moins cher. Quand je suis arrivée dans le logement en 2010, j’avais déjà une dette de 4000 €. Je crois que je savais dès le début que ça ne marcherait pas. Le loyer je ne le payais pas, mais je payais tout le reste : l’électricité, l’eau, le téléphone, aucune dette. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ce choix, de payer tout sauf le loyer... Ça ne m’était jamais arrivé. 11 000 € de dette, 2 ans sans payer.

24% des personnes à la rue travaillent

Quand ils ont commencé à m’envoyer des lettres pour l’expulsion, je suis passé au tribunal, le juge a dit : « il faut rembourser la dette ». C’est à partir de là que je me suis mise à chercher du travail tout le temps, sans m’arrêter. J’espérais avoir un boulot à plein temps. Avec un travail à plein temps, j’étais sortie d’affaire.

Après que j’ai reçu le commandement de quitter les lieux, ça a été très court. Je suis allée voir l’assistante sociale, elle a appelé le responsable de l’OPAC. Ils ont dit : « il va y avoir expulsion ». Mais on ne vous dit pas quel jour. Là j’ai vu que c’était sérieux, j’ai déposé des dossiers de recherche de foyers.

Je ne pensais pas à ce qui allait se passer, je m’en veux à moi-même. Je courais après le travail. C’est vrai, il faut tout faire pour le travail mais je n’ai pas pensé à autre chose. Je cherchais du boulot. Une collègue m’a dit ça quand je lui ai raconté mon problème, « tu cherches du boulot pour oublier tes problèmes ». L’expulsion a été une vraie leçon. J’ai ouvert les yeux.

Je me suis retrouvée dehors. Je ne le souhaite à personne.

Je sais comment ça se passe, je ne suis pas la première ni la dernière mais c’est très très difficile moralement et physiquement. Tous les soirs, c’est la même question : « Où je vais dormir ? ». J’ai des amis à gauche à droite qui me dépannent, mais c’est vraiment la galère, et puis bien sûr ça n’est pas gratuit, des fois 60 €, des fois 70 € la nuit, ça dépend… Et puis il y a des fois où je ne trouve personne pour m’héberger, mais c’est trop dur je ne préfère pas en parler.

 Je suis très fatiguée. Je n’ai aucune vie. Que des problèmes et travailler, et manger. C’est la vérité. Heureusement je suis très croyante parce que j’ai pensé à me suicider plusieurs fois. Je ne parle pas de tout ça, je garde beaucoup en moi.

J’ai fait un dossier pour une chambre meublée auprès d’un organisme qui gère des résidences sociales. J’Ai appelé régulièrement depuis septembre. On me disait : « On attend », « votre dossier va passer en commission. Finalement, la chambre m’a été refusée. On m’a proposé une chambre en colocation, mais moi, je ne peux pas habiter comme ça avec n’importe qui, je n’ai plus vingt ans ».
 

Aujourd’hui, Fatiha est en arrêt maladie depuis plusieurs semaines. Elle se dit « en déprime » et poursuit ses hébergements à gauche et à droite…