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« Ma maison était un gouffre »

Rupture conjugale, problème de santé, licenciement... le traumatisme de l'expulsion fait souvent suite à un drame survenu brutalement. En lien avec l'agence Rhône-Alpes de la Fondation et en collaboration avec le journal Rue89 Lyon, des personnes ont bien voulu témoigner et évoquer ce basculement qui a bouleversé leur vie.

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Les dépenses contraintes (logement, énergie, eau) représentent en 2006 près de la moitié du budget des ménages pauvres (48%) et modestes (46%) (Insee).

Olivier, 46 ans, cuisinier, habitait un pavillon en banlieue lyonnaise avec sa femme et ses 5 enfants, âgés de 3 à 17 ans. Il a connu la spirale de l'endettement et la peur de l'expulsion.

 

« Les problèmes ont commencé en 2012, à la suite de mon licenciement économique. Je me suis retrouvé au chômage alors que ma femme était en congé maternité.  Le budget a rétréci et ça a été l’engrenage. On vivait dans une maison.

Comme on avait à l'époque tous les deux des revenus, l’agence immobilière nous louait un pavillon assez grand ; on payait un loyer de 1250 euros. Mais nos factures d’électricité et de gaz étaient énormes parce qu’on avait de gros radiateurs qui consommaient énormément. Ils ne fonctionnaient pas correctement, ils chauffaient trop. On était en surconsommation, c’était affreux.

Même les prestataires qui venaient faire des relevés de compteur nous disaient : " Ce n’est pas normal". On avait toujours des dépassements. Alors qu’on payait 300 € tous les mois, à chaque relevé on dépassait de 600 €.

Quand je me suis retrouvé au chômage, c’est devenu impossible. Cette maison, c’était un gouffre. Et le pire c’est que l’agence ne voulait pas faire les travaux nécessaires ; elle ne voulait rien savoir de toute façon, vu qu’on ne pouvait plus payer le loyer.

En même temps, ma fille est tombée malade, donc on a eu beaucoup de frais. Un enfant malade, même si on a une mutuelle, ça fait des frais. Il faut sortir les sous, il y a l’hospitalisation. On a privilégié dans le budget tout ce qui était courses et dépenses de santé.

 

« On a laissé passer un loyer, deux… on ne pouvait plus suivre »

On a laissé passer un loyer, deux loyers et puis après on ne s’est pas rendu compte mais on pouvait plus rattraper, c'était l’engrenage, quoi. Il y avait toujours un truc derrière qui arrivait, qu’il fallait payer. On essayait de payer un loyer en plus, mais on avait déjà 3, puis 4, puis 5 loyers de retards. Et puis on ne pouvait plus suivre et la procédure s’est mise en route, l’expulsion.

Dès que la procédure a été lancée en début d’année 2013, c’était presque trop tard. Nous, on voulait s’arranger avec l’agence mais ils n’ont plus rien voulu savoir. Ils voulaient surtout qu’on parte du logement. Du coup, on a décidé de ne plus payer.

On est arrivé jusqu’au bout du bout. Il y a eu le jugement. Il y a eu la trêve hivernale mais après, on pouvait se faire expulser du jour au lendemain. On était toujours sous la crainte. Avec 5 enfants, ça n’est pas une expérience à vivre.

 

Quand ça tapait à la porte, on avait le cœur qui montait

On se dit voilà, ça y est, ils sont là, c’est la force publique. On respire presque plus, on est en apnée tout le temps. C’était vraiment difficile, et puis dans le couple, ça amène des tensions.

On avait utilisé tous les recours, y compris le juge de l’exécution qui aurait pu nous accorder des délais, mais l’ordre d’expulsion a été donné et le commissariat a donné le rendez vous pour fixer la date. C’était vraiment limite. Avec 5 enfants, on allait aller où ? Les enfants seraient partis dans la famille et nous on se serait débrouillés, mais ça aurait été le désastre.

 

Maintenant, on met de côté

On a monté un dossier de recours Dalo. Grâce à une association, on a trouvé un appartement Hlm à l’été 2014.

Dans notre nouveau logement, le loyer est à 700 €. On est bien ici, franchement, moi je m’en fous d’avoir un jardin. Il y a de la place et puis ça chauffe comme il faut ici, il y a un thermostat donc, on n’a pas ces factures énormes. Et moi j’ai trouvé un travail, donc ça s’arrange. J’ai mis du temps à retrouver un boulot fixe.

On a eu de la chance franchement. Après cinq ans de congés maternité, ma femme a aussi réussi à retravailler. Là, elle vient juste de signer un CDI, donc on commence à sortir la tête de l’eau. En 2016, on sait que les deux ans de répit de la Banque de France se terminent, donc il faudra bien qu’on paie les dettes.

On n’est pas sorti d’affaire, on est à risque. On est tout le temps en prévention. Quand on a connu cette galère, on ne veut plus du tout y retourner. Maintenant, on met tout le temps de côté, une roue de secours quoi. 

Comme ça, dès qu’il y a un problème on peut compenser. On anticipe en fait. De toute façon c’est comme ça qu’il faut qu’on s’organise, il faut anticiper. Quand on a connu l’expulsion, on fait plus attention. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que nous, on ne veut plus jamais ça."

En 2014, le Rhône enregistrait 4029 recours logement au titre du DALO. 1364 ménages ont été reconnus prioritaires pour un relogement. La menace d’expulsion concerne 1 recours DALO sur 7.