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« Respectez-nous ! »

Le vendredi 13 avril, Mme T. et ses 5 enfants ont été expulsés de leur logement de 47 m2 situé dans le XVIIe arrondissement, à Paris.

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Le matin, la petite famille est dehors à 06H15. Et la journée commence par de la marche le ventre vide. Il ne faut pas louper le premier bus.

Avec les cartables et la poussette, le bus est la première étape puis vient le métro et la ligne bondée jusqu’à l’arrivée à l’école vers 07H30. Petit-déjeuner pour tout le monde sur le trottoir, debout.

« Je n’en peux plus ; les enfants ont changé depuis ce vendredi 13… ils n’ont plus goût à rien, ils sont fatigués et me demandent tous les jours quand cela va s’arrêter. Et moi, je ne peux rien répondre… »

La situation est d’autant plus inacceptable que Mme T., divorcée, a effectué une demande de logement social depuis juillet 2005 et qu’elle est reconnue prioritaire DALO depuis le 22/10/2015.

« J’ai toujours relancé ma demande et n’ai jamais eu une proposition depuis tout ce temps. Je me suis installée dans le XVIIe en mars 2006. Je n’ai jamais bougé. »

Un premier jugement du Tribunal Administratif du 23/09/2016 a condamné le préfet à la reloger sous astreinte de 450 € à compter du 1er décembre 2016. Un second jugement de ce même Tribunal a condamné l'État le 13 mars dernier à verser à Mme 3 700 € d'indemnités en raison de l’absence d’offre de relogement. Enfin, le Défenseur des droits a été saisi de la situation en août 2017.

Et malgré toutes ces étapes et ces jugements en sa faveur, à 42 ans, Mme T. vient de vivre ce qu’elle redoutait le plus. Le traumatisme de l’expulsion dont elle se savait menacée depuis le mois d’août dernier, suite à un congé pour vente de sa propriétaire.

« ça a été terrible, ils ont commencé à sonner et à taper à la porte de plus en plus fort. Je n’ai pas répondu tout de suite, j’avais peur, je me demandais ce qui se passait et je ne voulais pas que ma petite fille de 2 ans se réveille. Et puis, d’un seul coup, ils ont percé la porte. J’ai eu l’impression d’être une terroriste, c’était tellement violent… J’ai demandé à pouvoir attendre le retour de mon fils à midi, ils ont refusé.

Je me suis retrouvée dans les escaliers avec mon sac, un biberon et 2 bouteilles de lait. On m’a dit que l’hôtel était tout près… » Du XVIIe arrondissement de Paris à la zone industrielle de Longjumeau, dans l’Essonne, on ne peut pas dire que cela soit « tout près ».

Depuis plus d’un mois ½, Mme T. poursuit son marathon quotidien pour que les enfants puissent suivre leur scolarité. Les repas sont toujours froids et rien n’est cuisiné. La cuisine collective n’est pas un endroit très sûr, des heurts y ont souvent lieu. « Je n’ai pas envie d’infliger cela à mes enfants qui sont déjà assez choqués. On m’a donné une carte pour un restaurant, mais c’est dans le XVe… encore des trajets, on n’en peut plus et du coup, je n’y vais pas. »

 

Sans répit

Le week-end, les transports ne fonctionnent pas dans la zone industrielle où se trouve l’hôtel… Mme T. est donc bloquée avec ses enfants et condamnée à des heures de marche avec eux. « On ne vas pas rester dans les chambres toute la journée. Il y a des cafards et ça n’est pas très propre… En plus, il y a 2 boites de nuit juste à côté, il y a énormément de bruit et c’est mal fréquenté tous les soirs…. Je ne comprends pas, je ne demande qu’une chose, qu’on nous respecte. »

La préfecture de Paris a missionné l’association Soliha Paris Hauts-de-Seine Val d’Oise depuis août 2107 pour accompagner la famille prioritaire Dalo jusqu’au relogement. La salariée de l’association qui suit Mme T. s’est rendue à l’hôtel, à Longjumeau, et a pu constater que l’environnement n’était pas adapté à la famille et que les temps de transport étaient très longs.

« Nous avons alerté la préfecture mais sur Paris et sur la petite couronne, le manque de logements très sociaux de grande taille adapté à ce type de famille est criant et il n’y a aucune proposition. Nous abordons régulièrement cette situation avec la préfecture mais pour l’instant, rien n’a abouti. Comme elle est prioritaire Dalo, Mme T. restera à l’hôtel tant qu’elle n’aura pas eu de proposition de relogement », précise la travailleuse sociale de Soliha.

Aujourd’hui, Mme T. reste debout pour ses enfants, mais elle n’a plus de force pour se battre et ne sait plus quoi faire. Elle voulait reprendre le travail et mettre sa plus jeune fille à la crèche et n’imagine même plus cela possible.

« Je suis assistante maternelle et je m’occupais avant de personnes âgées. Je m’étais arrêtée pour ma fille ; mon travail, ça aussi, je n’y crois plus maintenant. »