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Une expulsion insensée

Pendant 12 jours, Mme G, son mari et leurs deux filles, expulsés, ont vécu une situation encore jamais vue.




Mardi 22 juin, Mme G, son mari et leur petite fille ont été expulsés de la résidence sociale Adoma où ils étaient installés, au motif qu’une famille de 3 personnes ne pouvait rester dans une chambre de 12 m2.

« L’huissier est arrivé, nous avons tout juste eu le temps de prendre quelques affaires et on nous a donné la possibilité de revenir dans l’après-midi faire nos bagages pour les mettre ensuite dans un dépôt. J’ai emmené ma fille à la crèche où elle a passé la journée et à 19 heures, nous avons quitté la résidence. »

La famille part alors en voiture pour rejoindre, à ses frais, l’hébergement d’urgence prévu pour 15 jours : une chambre d’hôtel à Mery-sur-Oise (Val d’Oise), à plus d’une heure de route de Paris… La famille se retrouve donc à nouveau dans une chambre, en suroccupation, situation qui était pourtant à l’origine de la procédure d’expulsion lancée en 2018 et reportée du fait de la crise sanitaire.

« On est dans une situation totalement insupportable et absurde : Depuis 2018, cette famille n’a bénéficié d’aucun accompagnement au relogement de la part d’Adoma… La réponse d’Adoma à cette situation difficile ne peut pas être l’expulsion ! De plus, cette expulsion n’avait aucun caractère d’urgence car la famille payait son loyer et n’avait aucune dette », précise Samuel Mouchard, responsable de l’Espace Solidarité Habitat (ESH) de la Fondation, qui soutient la famille depuis son expulsion.

Une nuit cauchemardesque

« On est arrivé à Méry sur Oise après 21 heures, la petite n’en pouvait plus… et là, on nous a annoncé que notre réservation avait été annulée. Personne ne nous avait prévenus. On était venu jusque-là pour rien.

La voiture était déjà repartie, on n’avait pas d’endroit où aller. J’ai expliqué ma situation, mais la personne à l’accueil m’a dit que ce n’était pas possible qu’on reste ici, qu’il n’y avait pas de place.

J’ai donc commandé un autre uber pour regagner Paris… on a fait le tour des hôtels à Marcadet, Porte de Clignancourt, au Père Lachaise, à Ménilmontant… C’était vraiment angoissant, il n’y avait de place nulle part.

Heureusement, le chauffeur nous a dit : Je vous accompagne jusqu’à ce que vous trouviez et sinon, vous viendrez chez moi… Finalement, on a trouvé dans un Formule 1 , une chambre à 63 euros la nuit. Avec mon mari, on a tout de suite pris deux nuits, pour ne pas vivre le même cauchemar deux soirs de suite », précise-t-elle.

L’espace Solidarité Habitat de la Fondation a tout de suite cherché à joindre la Préfecture pour avoir une explication. Mais sans succès.

« On ne pourra pas rester dans cet hôtel, c’est trop cher…. J’espère vraiment que nous allons avoir une solution d’hébergement très vite, même si c’est loin de Paris et que je perds mon travail, tant pis. Je veux un toit pour ma petite fille », précise Mme G.

Aucune explication, que des perdants

« On est vraiment dans une situation où il n’y a que des perdants. Les dispositifs de prévention des expulsions parisien n’ont pas fonctionné, puisque la CCAPEX de Paris (commission qui réunit les principaux acteurs pour examiner les situations difficiles) avait préconisé à Adoma de suspendre l’expulsion ; Il n’y avait aucun préjudice financier ; l’instruction donnée par la ministre du Logement, Mme Wargon, fin avril dernier, stipule que toute expulsion, si elle doit avoir lieu, doit être assortie d'une proposition d'un autre logement, ou à défaut d'une proposition d'hébergement le temps qu'une solution plus pérenne soit trouvée.

Ici, non seulement ce n’était pas nécessaire, mais comble du non-sens et de l’inacceptable, c’est finalement à nouveau une seule chambre qui a été proposée ce matin à la famille ! Elle se retrouve donc en suroccupation à nouveau, dans une chambre dans un hôtel situé en grande couronne parisienne, alors que la maman travaille dans la restauration dans le XVIIIe et que la petite fille est à la crèche dans le XXe. Le tout cette fois au frais de l’Etat. C’est un traumatisme pour la famille, un drame humain qui aurait pu être évité et un non-sens économique. La collectivité va payer plus cher pour la placer dans une situation strictement identique à celle qui lui est reprochée », ajoute Samuel Mouchard.

Jeudi matin, en effet, après deux nuits en Formule 1. à ses frais, la famille s’est vue proposée une seule chambre d’hôtel à Epône, à plus d’une heure de voiture de Paris.

La Préfecture, interpellée à nouveau par l’ESH, a informé la famille qu’elle allait chercher une solution d’hébergement plus proche, jeudi 24 juin, en fin de matinée.

Mme G a par ailleurs fait une demande de relogement dans le parc social pour elle et ses deux filles dans le cadre du Dalo.

12 jours plus tard, mardi 6 juillet, Mme G et ses deux filles (l’ainée est revenue à Paris fin juin après avoir effectué un stage en province) sont hébergées de manière stable dans une chambre de 20 m2 dans un hôtel, à Paris, dans le 11e arrondissement.

Mme G, épuisée, a encore vécu des heures d’angoisse durant le premier week-end de juillet, ne sachant pas où elle et ses deux filles allaient pouvoir dormir…

Début juillet en effet, après avoir été hébergée seulement avec sa petite fille dans une chambre d’hôtel pendant quelques jours, Madame a dû quitter la chambre qu’elle occupait et dans laquelle se trouvaient des punaises de lit.

La famille a été orientée vers un hôtel près de Montmartre, orientation contredite par le 115 qui a finalement dirigé la famille dans le 11e arrondissement, où deux chambres étaient bien réservées, mais sans place pour l’aînée qui a finalement été prise en charge à... 22 heures.

Depuis la fin de la trêve hivernale, il y a 24 jours, les expulsions reprennent avec des propositions de mises à l’abri à l’hôtel, mais les témoignages de détresse se multiplient.

Rien qu’en région parisienne, la Fondation a déjà dénombré 11 expulsions, dont 4 sans solution, donc non-respect de la circulaire de la Ministre. La Fondation Abbé Pierre a alerté les Services de l’Etat sur ces expulsions sans solution.