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« Il faut un droit minimal à l’électricité »

Olivier Challan Belval, Médiateur national de l’énergie depuis novembre 2019 répondait à la Fondation en juillet 2022.

Prix de l’énergie en forte hausse, augmentation de la précarité énergétique... Etes-vous plus sollicité ces derniers mois ?

Oui. Je rappelle que la loi m’a confié deux missions principales, d’abord aider au règlement des litiges entre les fournisseurs d’énergie (une trentaine) et les particuliers (nous avons reçu 30 000 demandes en 2021), mais aussi informer les consommateurs, depuis notre site Internet et par un numéro vert (3,5 millions de personnes informées l’an dernier). En plus de ces deux missions, je formule des propositions pour améliorer les pratiques sur les marchés de l’énergie et faire évoluer les textes quand cela s’avère nécessaire. Pour mieux faire connaître les problématiques rencontrées par les consommateurs, le médiateur national de l’énergie publie chaque année un baromètre du marché de l’énergie. La dernière enquête[1] parue en septembre 2021 est révélatrice d’une augmentation de la précarité : 60 % des personnes interrogées ont réduit leur chauffage pour limiter leur facture ; 79 % ont confirmé que les dépenses d’énergie sont une part importante de leur budget ; 84 % se disaient « préoccupées » par leur facture d’énergie. La privation est un phénomène qui a augmenté depuis 2 ans. Avec la hausse des prix de l’énergie, il est à craindre qu’en septembre prochain, ces chiffres soient encore plus importants. Autre chiffre éloquent, les fournisseurs d’énergie ont réalisé 785 000 interventions pour impayés auprès des consommateurs en 2O21, ce qui représente une augmentation de 17 % par rapport à 2019 (l’année 2020 étant mise à part, du fait de la crise Covid).

Le 19 octobre dernier, la Fondation demandait l’abolition des coupures d’électricité pour les personnes en impayés. Qu’en pensez-vous ?

Cette demande est légitime et je l’ai formulée à mon tour dans un communiqué de presse, le 10 novembre, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre la précarité énergétique que la Fondation avait organisée. Il faut en finir avec ces coupures d’électricité dont les conséquences sont souvent dramatiques. Que faites-vous, par exemple, si vous devez conserver au frais des médicaments ? Aujourd’hui, il faut défendre le droit minimal à l’électricité. Pour se chauffer, cuisiner, se laver, recharger son téléphone pour pouvoir faire ses démarches… Dans le contexte de l’augmentation très forte des prix de l’énergie et du développement de l’usage de l’électricité qui est un bien de première nécessité, il faut arrêter de couper l’électricité dans les foyers toute l’année.  La coupure est une mesure particulièrement brutale qui place les consommateurs concernés dans une situation encore plus précaire. Or, à la place des coupures, en cas d’impayés, il est possible d’effectuer une simple réduction de la puissance délivrée, cette mesure est déjà très incitative. Le lendemain de la parution de mon communiqué demandant de mettre un terme aux coupures pour impayés, le fournisseur EDF, qui alimente près de 70 % des consommateurs, a annoncé qu’il agirait ainsi. Mais je pense que c’est aussi à la loi de le dire afin que cette interdiction s’applique à tous les fournisseurs d’électricité.

Etes-vous favorable à l’augmentation du chèque-énergie, comme la Fondation ? 

La fin des coupures d’électricité relève selon moi de la solidarité la plus élémentaire, il s’agit d’un droit pour tous. Ce n’est pas la même chose qu’une aide financière. La priorité pour moi est donc d’instaurer ce droit à une alimentation minimale en électricité. Il faut donc réunir rapidement tous les interlocuteurs pour définir le niveau de puissance le plus juste (selon moi, entre 1 et 2 kVa) et décider les modalités de son financement. Cela ne me semble pas impossible à court terme. Quant à l’argument selon lequel la fin des coupures entrainerait l’augmentation des impayés, il ne tient pas, car une réduction de la puissance d’électricité délivrée reste une situation inconfortable. Je suis persuadé que nous arriverons à convaincre, un combat légitime doit être mené, il n’est jamais perdu !