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Fin de la trêve hivernale : l'angoisse reprend pour des milliers d'entre nous...

Alors que la trêve hivernale prend fin aujourd'hui, 31 mars 2014, la Fondation s'inquiète : la loi ALUR n'établit toujours pas l'interdiction d'expulsion des ménages reconnus prioritaires Dalo et n'instaure pas de dispositif de prévention.

Depuis la fin de la trêve hivernale, N, 56 ans, sait que sa demande d'expulsion peut aboutir du jour au lendemain.

N. a passé un week-end cauchemardesque. "J'avais reçu un avis de passage pour un recommandé vendredi et j'ai tout de suite cru que c'était mon expulsion... J'étais angoissée tout le week-end, ça a été horrible. Et ce matin, en regardant à nouveau le papier, j'ai vu que c'était un avis pour ma fille."

Quelques heures de répit et à nouveau l'angoisse qui revient car demain, le courrier évoquant l'expulsion peut se trouver dans la boite aux lettres. Depuis aujourd'hui 31 mars, fin de la trêve hivernale, N, 56 ans, sait que sa demande d'expulsion peut aboutir du jour au lendemain. N. vit dans un appartement qu'elle n'a plus les moyens de louer depuis qu'elle a perdu son emploi et qu'elle est séparée. "Je n'ai que des dettes de loyer et ne m'en sors plus depuis de nombreux mois. Je touche le RSA (430 euros par mois), et mon loyer est de 1650 euros mensuels. J'ai fait un recours Dalo rejetée en janvier dernier. J'ai bien sûr fait également une demande de logement social à la mairie du XVIIe, mais rien n'a abouti de ce côté-là... Du coup, je cherche un studio en colocation avec une amie qui est séparée comme moi. À deux, on pourrait payer un loyer de 700 euros/ mois, charges comprises. Mais pour le moment, on ne trouve rien. "

C'est un point de non-retour

"Savoir que l'on peut être expulsée immédiatement, c'est d'une violence que je n'imaginais pas. Personne ne sait dans quelle situation je suis. Je n'en ai pas honte, car je n'ai pas fait exprès ; mais c'est une épreuve terrible que peu de personne peuvent comprendre. Cette réalité brute de la rue, c'est inimaginable. Oui, j'ai vraiment peur des jours qui viennent. Je ne pensais pas que la trêve hivernale allait passer si vite."

Soutenue depuis plus d'un an par l'Espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre, N. a effectué un recours gracieux pour contester le rejet de son dossier Dalo et a demandé un délai au Préfet pour reporter son expulsion pour raisons médicales. Pour le moment, elle n'a aucune réponse, ni de l'un ni de l'autre. Son seul souhait, dans l'urgence d'aujourd'hui, c'est que le délai soit accordé par le Préfet. "L' ESH me soutient beaucoup dans toutes les démarches qu'il faut faire pour éviter l'expulsion. Grâce à cette structure, je vais bénéficier d'un coaching pour pouvoir expliquer ma situation au juge qui m'a convoquée ; pour que cet entretien se passe le mieux possible. C'est très important pour moi, ça m'apaise beaucoup."

Combien d'histoires traumatisantes comme celle de N. ? Depuis 10 ans, le nombre de décisions de justice prononçant l'expulsion locative a explosé :  120 363 décisions ont été rendues dont 115 086 pour impayés de loyers... alors que le coût du logement devient inabordable pour le plus grand nombre (loyers et charges).

La loi ALUR, qui vient d'être publiée, aurait pu faire davantage progresser le droit des ménages : elle n'établit toujours pas l'interdiction d'expulsion des ménages reconnus prioritaires par la loi Dalo et n'instaure toujours pas de réel dispositif de prévention.

Ces carences en matière de prévention ont pourtant des conséquences lourdes : manque de lieux où les personnes peuvent être informées, conseillées, accompagnées, manque de visites à domicile réalisées par les acteurs (travailleurs sociaux...), complexité des documents et actes reçus, manque d’information sur les aides possibles, constituent autant de freins qui creusent l’écart entre les personnes et une possible résolution de leur situation, qui éviterait de basculer dans l’engrenage conduisant à la rue.