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Opération "1000 radios" : un mois sur les routes de France pour évoquer la rue.

Plus de 1000 radios ont été distribuées en un mois aux personnes à la rue qui, pour certaines d'entre elles ont participé à l'émission de radio liée à l'opération. Une initiative de l'association "Les Enfants du Canal" soutenue par la Fondation Abbé Pierre.

Pour la quatrième année consécutive, "Les Enfants du Canal" ont distribué plus de 1000 radios aux personnes en errance en novembre et décembre. Mais cette année, ils sont aussi allés à la rencontre des personnes à la rue dans une quarantaine de villes de France pendant toute la durée de l'opération. Objectif de cette édition 2015 :  rompre l'isolement des personnes à la rue en leur permettant de parler d'eux-mêmes et d'accéder à la culture, à l'information grâce aux radios distribuées gratuitement.

L'opération a été lancée à Chartres le 24 novembre dernier, au "Point Refuge, " l'une des Boutiques Solidarité du réseau de la Fondation Abbé Pierre, puis elle s'est poursuivie au sein de différentes structures d'accueil, à Dijon, Clermont Ferrand... L'association a récemment fait étape dans les Boutiques Solidarité d'Angoulême et de Reims. À Reims, l'opération avait rencontrée un grand succès l'an dernier. Plusieurs accueillis attendaient de revivre ce moment avec impatience.

"C'est une présence"

Frédéric a 45 ans, il se présente tout de suite comme "vagabond professionnel". Effectivement, il a connu "des hauts et des bas", comme il le précise,  depuis l'âge de 16 ans 1/2... Il y a deux ans, il avait eu la chance de recevoir une radio qui ne le quitte plus.
"Quand vous êtes seul dans un endroit au milieu de nulle part, c'est réconfortant, c'est une présence. Et puis, à la radio vous entendez des choses que vous ne lisez pas dans le journal ou ne voyez pas à la télé. Moi, j'aime beaucoup la musique et j'écoute très souvent France Musique. "

"Ma station préférée, c'est celle que j'arrive à capter ! Car ça dépend où je me trouve. Mais j'aime quand même beaucoup France Inter et France Musique. France Info aussi. C'est important de se tenir au courant et pour nous qui sommes à la rue, la première info importante, c'est la météo. Toute notre journée en dépend."

"Participer à l'émission de radio cette année, j'en ai eu envie pour dire ce qui se passe dehors. La catastrophe que ça devient dehors. Les gens ne s'en rendent pas compte... Il y a de plus en plus de monde, de plus en plus de jeunes. Beaucoup de disparités et surtout, plus personne n'est à l'abri de se retrouver dans la rue. Moi, c'est ça que je voulais dire."

"Il faut que les gens soient plus tolerants"

Jérémy a trente ans et vit dans un squat à Reims depuis quelques années avec ses chiens. Il touche le RSA et ne fait plus la manche. Il aimerait avoir un logement pour reprendre une vie normale. Il a un fils qui vit avec sa maman à quelque 600 km de là. À la Boutique Solidarité, il retrouve ses amis et prend régulièrement un café. C'est là qu'il a entendu parler de l'émission et de la distribution des radios, le mercredi 16 décembre.
 

"J'ai tout de suite dit "oui" pour y participer. Pour moi, c'est important de dire ce que l'on voit tous les jours dans la rue. Il y a de plus en plus de jeunes de moins de 25 ans qui font n'importe quoi, cigarettes, alcool et j'en passe.... il ne faut pas les laisser comme ça. Moi, je sais que je vais m'en sortir parce que j'ai des amis et des personnes qui m'aident. Je vois du monde tous les jours, je veux m'en sortir et je suis heureux même si je n'ai pas encore de logement. Mais eux, c'est différent, ils sont vraiment très seuls et ils n'ont pas d'espoir."

"Les gens ne se rendent pas compte de ce que l'on vit dans la rue. Tout le monde n'arrive pas dans la rue parce qu'il le veut. Il y a des choix que l'ont fait et que l'on regrette ; il y a le manque de soutien moral et affectif ; il y a tellement de contextes particuliers qui peuvent expliquer une telle situation... Les gens doivent être plus tolérants, ils doivent comprendre qu'il ne faut pas juger et qu'il y a énormément d'éléments, de causes qui peuvent vous emmener à la rue sans que cela soit un choix.
 

"Pour moi, c'était important de dire tout ça. De parler de moi et des autres que je vois dans la rue. C'est important car il faut que l'opinion publique évolue. Non pas qu'elle change, mais qu'elle évolue. Changer d'opinion, c'est difficile, c'est comme changer soi-même, cela demande du travail, de la volonté. Si déjà on arrive à faire évoluer l'opinion, ça sera pas mal... On ira déjà dans le bon sens ! Moi, c'est ça que je souhaite."

Anaëlle est éducatrice spécialisée à la Boutique Solidarité de Reims depuis 2011. Elle a pu apprécier l'effet positif de l'opération "1000 radios" l'an dernier : plus de 50 radios avaient été distribuées lors des maraudes hivernales et dans les centres d'hébergement d'urgence de la ville.

Sortir de la solitude, rompre l'isolement

"Cette année, il y a vraiment un effet boule de neige : les accueillis veulent tous une radio car ils ont vu leur camarade venir recharger la leur au cours des douze derniers mois. Nous commencerons à les distribuer après Noël car pour l'instant, elles ne sont pas encore arrivées. Mais ce qui est certain, c'est que cette opération a été un véritable déclencheur de lien social auprès des personnes qui viennent à la Boutique.


Grâce à la radio, ils apprennent des choses, lancent des conversations sur des sujets aussi divers que le sport, la politique ou les voyages... Pour nous, c'est très utile car nous pouvons rebondir et avoir des échanges différents. On ne parle plus de la rue, de la misère, du manque mais bel et bien de sujets que tout le monde évoque au fil du temps. L'autre jour, je suis allée dans un squat et l'une des radios de l'an dernier trônait au milieu de la pièce. Tout le monde écoutait. Cela a un réel impact."

Après avoir sillonné les routes de France et avoir distribué des radios jusqu'à Pointe à Pitre, l'opération "1000 radios" se termine aujourd'hui, lundi 21 décembre. Une conférence de presse organisée par "Les Enfants du Canal", avec la Fondation Abbé Pierre, clôture l'édition 2015, à 16 heures, au 5 rue Vésale, dans le Ve arrondissement, à Paris.