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À Avignon, un festival pas comme les autres

Samedi et Dimanche 22 et 23 septembre, « C’est pas du Luxe ! » a battu son plein au cœur de la cité des Papes. Sous une chaleur estivale, public et participants ont partagé émotions et créations de toutes sortes.

Sous le ciel bleu azur, à l’ombre des platanes ou en plein soleil, les rues d’Avignon ont vécu un week-end festif sous le signe du partage. Chorale associative de Chambéry place de l’horloge, déambulation en mouvements chorégraphiques dans les rues par le centre culturel avignonnais de La Rocade, récits de personnes ayant connu l’errance, pièces de théâtre inédites sur scène ou sur la voie publique ; conférences populaires… on vivait pour l’Art et à travers l’Art aux quatre coins de la ville. Musique, paroles, chants, danse, créations pour exister et témoigner. Sans retenue.

 

« Encore de l’émotion »

Ounissa, résidante de la Pension de famille du Figuier, à la Grand Combe, n’en revient encore pas de l’accueil du public venu découvrir ce matin l’œuvre vidéo collective « Folie douce sur tronches de vie », à laquelle elle a participé, avec 7 autres résidants. Au pied du Palais des Papes, à l’Utopia, elle a vécu un moment qu’elle n’oubliera pas :  « C’est encore un moment de vie partagé, encore de l’émotion… et derrière tout ça, on pense à beaucoup de choses qu’on a vécu, mais là, on y pense dans la joie ! » À la sortie de la projection, tout le monde se retrouve. Des résidants de la Pension de Céret étaient parmi le public et à la sortie, les félicitations fusent. « On s’est régalé de vous voir ! On a beaucoup ri, vraiment bravo ! » Pour Daniel, hôte de la Pension de la Grand Combe porteuse du projet vidéo, le stress retombe enfin un peu : « j’ai rêvé cette nuit qu’il n’y avait personne… et là, je vois qu’on a fait salle pleine. Tout le monde se sent valorisé, c’est formidable ! »

Féliciter les autres, être félicité ; pouvoir s’exprimer sur scène ou après le spectacle… Le festival est un cœur qui bat au rythme des échanges et des émotions. Un peu plus loin, au jardin du théâtre des halles, Stéphane est assis à l’ombre. Des badauds, touristes ou Avignonnais, découvrent les photos qui sont exposées - « instants volés » - signés par les résidants de la Pension de Toulaud. Pour cette exposition, 9 résidents ont suivi un atelier photographique chaque semaine, pendant 4 mois. « Il a fallu travailler sur le texte, une fois que la photo était choisie. Ce travail d’écriture a libéré leur parole et leur a permis de mieux se connaître eux-mêmes. Et vendredi, quand on a disposé les toiles dans le parc, quelle fierté ! » souligne Katia, hôte à la Pension de Toulaud depuis 5 ans.

 

Stéphane, l’un des résidants, est un peu gêné par cette soudaine célébrité, mais il se confie quand même : « La photo, ça m’a permis de sortir de mon isolement ; je suis content d’être sorti de ma coquille. J’essaye de discuter avec les gens qui me posent des questions, mais ce n’est pas facile », précise-t-il en montrant ses deux œuvres.

Juste à côté, un nuage pris en plan serré est intitulé « La chantilly de l’amour ». La photo a enthousiasmé un père de famille, venu de Nîmes avec sa femme et ses deux garçons. « On a entendu parler de ce festival et on a décidé de venir voir. Il y a vraiment plein de choses, il faudrait rester plus longtemps, on découvre des petits trésors. Les enfants ont particulièrement été fascinés par le face-à-face avec les acteurs, à l’Entrepôt. Etre au milieu d’eux, les voir et les entendre en étant si près, c’est vraiment impressionnant. C’est une belle découverte pour nous, c’est certain, ça marque ! »

« Un monsieur m’a prise en photo »

 

Dans la chapelle des arts, Léna n’en revient pas, elle aussi mais ce n’est pas pour la même raison. Difficile de croire que c’est elle, en gros plan, au milieu des 17 autres portraits inspirés de l’école flamande que Christophe Loiseau, l’un des artistes organisateurs du festival. Un projet réalisé avec les résidants de la Pension de Nîmes qui a demandé 2 ans de travail et 4 jours de de prises de vue intensives. Un projet de longue haleine, où il a fallu de la patience et de la précision, dans lequel les résidants se sont investis totalement.

Léna, résidante depuis 10 ans à la Pension a déjà participé au précédent festival, en 2015. « J’avais déjà fait de la danse, du théâtre mais ça, jamais ! Je ne me suis pas reconnue, ça m’a fait tout drôle. Aujourd’hui, je suis vraiment contente de me voir exposée comme ça, avec tous mes amis de la Pension. Un Monsieur a voulu me prendre en photos, il y en a qui achète les portraits… ça me fait chaud au cœur ! Je remercie Pascal et Nathalie, qui s’occupent de nous à la Pension, de nous avoir permis de vivre ça, d’être là aujourd’hui. Et puis la Fondation Abbé Pierre aussi bien sûr ! Je suis vraiment contente du résultat. »

À l’entendre, l’un des bénévoles de la Pension ajoute : « C’est vraiment la consécration pour eux ici, on les écoute, on les regarde et on les applaudit ! »

Aux Hivernales, la veille, les danseurs du centre d’accueil de demandeurs d’asile de Sarcelles, avaient sidéré les spectateurs en interprétant leur création, « Epopées ». Peu avant, à l’Entrepôt, 5 personnes accueillies à la Boutique Solidarité de Metz, en collaboration avec la Ligue des Droits de l’Homme, présentaient « Je suis un homme », une pièce où Richard, Gildo, Davy, Dominique parlent de leur départ précipité, au risque de leur vie, avec un humour incroyable. Un débat avec le public a suivi. « Sans le public, notre travail n’a pas de sens. » À la sortie, un jeune spectateur confiait à sa mère : « Tu m’avais dit que c’était triste, l’exil, mais en fait, on peut aussi en rire ! »

 

Partout aussi dans la ville, des ateliers ouverts au public - chant, danse, ombre, art postal, vidéomaton - et des concerts gratuits. Compagnie « Couleurs du temps », fanfare « Haut les mains », orchestre « Pile Poil » ou chorale « Musicalement (in)correct », aucune limite d’âge et le plaisir de partager qui se lisait sur tous les visages. Enfin, pour échapper à la chaleur, la quinzaine d’œuvres et d’installations permanentes exposées à l’intérieur et à l’extérieur des remparts étaient accessibles matin et après-midi. Le seul regret, c’est qu’on ne pouvait décidément pas tout faire.

« Cette 4e édition du festival, ce n’est plus l’affaire de quelques acteurs, c’est un souffle pour tous les groupes qui participent et qui ont travaillé pendant des mois. Le fait d’être à Avignon, tous ensemble, dans ce lieu magique et symbolique, c’est une consécration », soulignait Dominique Jeanningros, l’un des administrateurs de la Fondation, tout en parcourant les rues de la ville.