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De la manche à l'école : le défi relevé par une association marseillaise

En 2012, Jen Bouvier a lancé "l'école au présent". Depuis, 370 enfants de bidonvilles ont été scolarisés.

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"Il faut bien se rappeler que l'école est obligatoire de 6 à 16 ans et comme l'État ne remplit pas sa mission, j'ai créé l'association "l'école au présent". C'est ainsi que Jen raconte son aventure avant de préciser combien le soutien de la Mairie de Marseille et des équipes enseignantes et pédagogiques est important dans son initiative...

"Il faut sans cesse aller sur le terrain, pour convaincre les parents de l'utilité de savoir lire et écrire alors qu'eux-mêmes ne le savent pas. Il faut aussi les rassurer car la cour de récréation est un lieu où les discriminations et la violence s'expriment facilement... Enfin, il y a l'enfant qu'il faut accompagner jour après jour."

Pas facile de donner à un enfant le goût de l'apprentissage quand jusqu'à 10 ans il a fait la manche dans la rue. Pas facile de s'asseoir toute la journée et de suivre des cours au quotidien... Merson, 15 ans, est un jeune collégien qui a découvert l'école il y a 5 ans.

 

"Je vise le bac et des études de commerce"

Félicité par ses professeurs, Merson travaille d'arrache-pied pour avoir son brevet alors qu'il y a encore 5 ans, il ne savait ni lire ni écrire. "C'est mon frère qui m'a donné envie d'apprendre. Aujourd'hui, à 16 ans, il a arreté les études mais moi je veux continuer jusqu'au Bac, et même après.

Mes parents sont très heureux pour nous. À chaque fois, ils nous disent "merci ! Comment on ferait si vous n'étiez pas là ?" Ce que je préfère, ce sont les maths, le sport et l'anglais. Je travaille beaucoup mais j'aime ça. Mon cousin, ça lui a aussi donné envie de me voir travailler... Je voudrais faire du commerce, ça me plaît. Je suis le premier de la classe, mais les notes ne m'intéressent pas. Ce que j'aime, ce sont les cours. C'est Jane qui m'a beaucoup aidé au début et c'est grâce à elle."

Merson vivait auparavant dans un squat avec ses parents et ses 4 frères. Pas d'eau courante, pas d'électricité. Depuis la fin de l'année, la famille est installée dans un logement social où Merson peut travailler dans des conditions normales et recevoir ses amis. Début mars, il part au ski avec sa classe. Une expérience et une découverte qu'il attend avec entousiasme. Comme la fin de l'année et le passage au lycée.

"Plus les enfants sont jeunes, plus les progrès se voient rapidement. Il suffit d'un mois pour voir un changement ! Ce qui est formidable c'est que les parents se remotivent à travers leurs enfants. Aujourd'hui, grâce à l'aide d'un bénévole qui m'a rejointe, nous accompagnons les adultes vers l'insertion en les dirigeant vers des ateliers de savoirs, des chantiers d'insertion..." ajoute Jen. "Ils voient qu'il est possible de sortir de la situation où ils se trouvent. Ils n'y croyaient pas au départ et tout à coup, cela devient possible. Ils ne sont pas condamnés à vivre comme ils vivent."

Gratuité de la cantine, petites unités d'apprentissage pour s'adapter aux rythme atypique des enfants... les équipes enseignantes et pédagogiques ainsi que la Mairie de Marseille soutiennent totalement l'initiative et permettent son développement. L'association accompagne aujourd'hui des enfants de migrants, de déboutés du droit d'asile ou encore de sans-papier. Avec le plan de résorption des bidonvilles, beaucoup de familles sont désormais relogées.

"Mon principal obstacle, ce n'est pas le bidonville en lui-même. C'est l'expulsion. Dès qu'un camp est fermé, il faut tout recommencer ailleurs et cela prend du temps. L'expulsion, c'est le problème majeur de la scolarité."

"Cette année, nous suivons 200 enfants. Mon plus grand rêve c'est de les voir suivre un parcours normal jusqu'au secondaire et de trouver un métier. J'accompagne d'ailleurs les plus âgés vers les missions locales." Pour la première fois en 2017, Jen a vu l'un des enfants qu'elle a suivi entrer au lycéee. "C'est ma grande attente : Merson est le second de la première fratrie que j'ai accompagnée en 2012."