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L'Habitat dans tous ses états à Roubaix

Débats, expo, films, animations, théâtre donnaient à voir et à entendre à la Condition Publique, à Roubaix, le 31 mars.

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« Donner la parole aux habitants, c’est bien mais que fait-on de cette parole ? Qu’est-ce qu’on construit dessus ? Il faut impliquer les habitants, faire avec eux » soulignait Mehmet Arikan, réalisateur et pilier de l’association « Tribu documentaires » en présentant deux de ses films dans le cadre du Forum. Cette même association organise dans les quartiers populaires du Nord et du Pas-de-Calais des « ciné-salon » où comédiens et artistes vont à la rencontre des habitants en organisant chez eux des projections et débats.

Dans le grand hall de la Condition Publique où se déroulait la veille la présentation de l’éclairage régional de la Fondation Abbé Pierre, le Forum « Pas de quartier sans la voix des habitants » organisé par l’Agence de la Fondation a attiré plus d’un visiteurs.  À l’extérieur, le Roubaisien pouvait commencer sa visite en découvrant le bus Abbé Road dans lequel la Fondation a reconstitué un taudis pour sensibiliser le public au mal-logement. Nathalie a trouvé l’idée très bonne : « C’est bien de faire ça, on entend dire que des gens vivent dans des conditions indignes mais on ne se rend pas compte de ce que ça veut dire. Là, c’est vrai que c’est bouleversant. Ce bus, j’espère qu’il viendra dans ma région, en Anjou, car c’est important que tout le monde puisse le voir… »

Retour à l’intérieur pour découvrir les différents stands du Forum, et notamment l’exposition inédite «Habitarium » qui permet de découvrir jusqu’au 8 juillet, différents artistes français et étrangers qui ont travaillé sur la question de l’habitat.

On y découvre tour à tour la dénonciation de l’urbanisation excessive aux Etats-Unis avec le photographe Alex Maclean ; les défis climatiques à relever aujourd'hui par les villes nouvelles en Europe ou ailleurs ; l’habitat de transition ou le travail du Collectif français « Encore Heureux » sur les exemples urbains de récupération et le recyclage dans les techniques de construction.

À l’honneur également, la campagne d’hiver de 2008 de la Fondation Abbé Pierre dénonçant la sur-occupation dans le logement ainsi que le travail photographique et vidéo de Sébastien Godefroy sur la France des mal-logés et les sans-papiers à Roubaix, réalisés en 2016 et en 2017.

« Y’a un truc à la Condition ! »

La Maison de Quartier de Moulins intervenait tout au long de l’après-midi en mettant en scène la parole d’habitants des quartiers lillois et roubaisiens, comme Yolande, portrait vivant d'une locataire vivant dans une copropriété dégradée, sortie de son isolement et partie à la rencontre des jeunes... ou découvrant le jardin partagé au pied de son immeuble. Ces saynètes pleines d’humour qui permettaient de donner la parole au public invité à réagir aux propos mis en scène… Une démarche artistique conviviale et humoristique réussie.

Rénovation, destruction… on ne nous écoute pas assez !

C’est aussi sous cette forme de dialogue et d’échanges que deux films étaient présentés. Après le visionnage de « Chez Salah, ouvert même pendant les travaux », les spectateurs n’ont pas manqué de réagir : « On le voit bien, on perd des terres, des liens en construisant des supermarchés… il faut se battre, c’est à nous de faire quelque chose comme Salah si on veut préserver le vivre-ensemble »« Nous aussi, dans le quartier du Pile, on s’est battu pendant 3 ans pour éviter la destruction de nos logements. C’est très dur de tenir et si on n’est pas nombreux, c’est impossible. Il faut un sacré mental… »« Moi, je suis urbaniste et je trouve que le film sur Salah révèle combien il est difficile de freiner la machine une fois qu’elle est lancée. Ce film plaide pour plus d’humilité lorsque l’on intervient dans les ZAC, notamment »« Ce film parle de la destruction d’un quartier, mais je peux vous dire qu’il y a le même mépris des habitants aussi dans les opérations de rénovation, c’est inimaginable… ».

Alors que la discussion se poursuit avec l’association et l’Agence de la Fondation qui a participé à leur financement, dans l’autre hall de la Condition Publique, Adolpha, 70 ans, présente son travail artistique et les ateliers d’art brut qu’elle anime auprès des femmes en difficulté dans le quartier de Moulins. « Je suis née à Lille, j’ai travaillé dès 14 ans ½, dans la filature. J’ai connu la misère et surtout la violence. L’art m’a sauvée de la violence, il m’a sortie de la précarité et je veux en faire profiter les autres, j’ai aujourd’hui un projet avec les jeunes de l’école de la deuxième chance, c’est quelque chose qui me tient à cœur, je veux qu’ils s’expriment, qu’ils puissent dire ce qui les bloque. Sur scène quand je raconte mon histoire ou lors des ateliers que je fais, je sens l’amour qui se libère, et ça fait du bien. »