La ministre du Logement présente cet automne au Parlement son projet de loi sur l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR). Rapports locatifs, encadrement des loyers, copropriétés dégradées… ce texte attendu rendra-t-il plus vertueux un marché qui continue d’exclure ou de mal loger dix millions de personnes ? Les plus pauvres en verront-ils le bout ?

Eviter le pire
« Les loyers ont légèrement baissé en un an : les bailleurs ont pris en considération les difficultés des ménages. Qu’une loi les y oblige confirmera cette tendance, mais le souci majeur reste l’évolution des revenus. Même avec l’aide au logement et les prestations familiales, le poids du logement dans le budget est considérable. Aujourd’hui, dans le parc privé comme dans le parc public, on cherche à éviter les impayés de loyer » précise Yannick Billou, directeur de l’Adil de Bordeaux. De fait, sur la Gironde, depuis 2011, les procédures pour impayés de loyer au nombre de 2500, connaissent une légère baisse.
+ 0,9 % à Rennes, + 1,1 % à Brest, + 2,1 % à Lyon : partout l’évolution moyenne du loyer par m2 en 2011 est inférieure à l’évolution générale des prix, Paris restant l’exception. Dans la capitale, grâce à l’encadrement, on attend une baisse de 26 % des loyers. « Vous avez des loyers ahurissants à Paris, mais ils sont surtout le fait des particuliers. Entre agences et particuliers, la différence peut atteindre 20 % ! Je refuse très régulièrement des mandats trop élevés. Une location trop chère, cela signifie un logement vide et ça n’est positif pour personne. Je ne vois pas trop comment l’encadrement des loyers va être possible mais en revanche, le plafonnement des frais payés par le locataire me semble une bonne chose car il y a des abus », constate Florence Micaelli, directrice d’une agence immobilière à Boulogne. La loi ne s’arrête pas là : outre les pratiques abusives locatives (frais d’agences, tarifs des syndics, marchands de liste), elle s’attaque aussi aux problèmes rencontrés par les propriétaires.

Une hausse intolérable
Demandes Hlm bloquées pendant 10 ans, locations inabordables à Paris, c’est pour ces raisons que Nadia a quitté la capitale avec ses parents et frères et sœurs en 1989. « On vivait à 6 dans un petit studio. On n’en pouvait plus et mes parents se sont résolus à acheter.» Un 58 m2 à Clichy-sous-Bois, l’un des 860 logements abordables du Chêne Pointu. « C‘était formidable, nous avions des wc, une chambre et une vraie salle de bains. » Mais la population se met à changer et la copropriété vote de gros travaux d’entretien… En cinq ans, les charges vont doubler, la dette s’installer et les services disparaître. « Quand nous sommes arrivés, les charges étaient de 450 euros par trimestre, aujourd’hui elles sont de 400 euros par mois. Nous n’avons plus d’ascenseur, plus de porte d’entrée, plus de gardien et des problèmes de chauffage… Ceux qui le pouvaient sont partis depuis longtemps.»
Les copropriétés se dégradent, leurs occupants y sont bloqués.

Aujourd’hui, la ville de Clichy-sous-Bois, l’une des plus pauvres de France, ne peut assurer seule la rénovation du Chêne Pointu : la réparation des 16 ascenseurs se monte déjà à 2,6 millions d’euros…
Autre constat : les copropriétés dégradées font le lit des marchands de sommeil, un phénomène aujourd’hui reconnu par l’État : « Sur un marché tendu, la tentation est grande de louer tout et n’importe quoi. Et fort cher. Nous avons de plus en plus de divisions abusives de locations dans les copropriétés dégradées. Vous trouvez ainsi cinq familles dans un F4 qui payent chacune 500 à 600 euros/mois pour une chambre de 10m2, avec sanitaires et cuisine en commun… Le principe du marchand de sommeil, c’est d’acheter à bas prix un logement et le louer cher à une personne pauvre. Il s’appuie sur l’endettement et la paupérisation » précise Michel Polge, directeur du Pôle « lutte contre l’habitat indigne » à la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. « L’interdiction à un acquéreur d’acheter un bien dans une copropriété s’il y est endetté va permettre d’enrayer ce système. »
Un premier pas dans la lutte contre un fléau en plein développement qui n’a actuellement aucune qualification juridique. Une étape de plus dans « la guerre à la misère ».
Témoignage
« Agir sur le marché immobilier par le biais de l’humain. »

Avec le projet de loi Duflot, les honoraires des agences immobilières sont sur la sellette… quel est votre avis ?
« Il faut savoir que nous ne sommes payées qu’au résultat. C’est un métier où vous pouvez passer des mois avant de trouver le produit qui convient… Le logement est quelque chose de très important. C’est l’endroit où l’on vit, qui vous ressemble. Face aux contraintes financières ou à d’autres contraintes comme le handicap physique, il faut du temps et ce temps-là n’est rémunéré qu’à la fin. La volonté de transparence du législateur est bonne mais très compliquée à mettre en place car chacun pratique différemment. Pour une location d’un 40 m2, vous avez des agences qui sélectionnent sur dossier sans parfois même rencontrer la personne. Nous ne fonctionnons pas comme ça, je pense que le problème principal vient des agences immobilières qui ne cherchent que la rentabilité économique. »
«Comment aller au-delà ? »
À la location comme à la vente, ce qu’il faut rechercher, c’est le juste prix. Nous recherchons la fluidité. Mieux vaut louer ou vendre moins cher que de ne pas faire affaire. Laisser des biens vacants, bloquer le marché, ça n’est bon pour personne. Louer un 40 m2 à 1050 euros par mois à Boulogne, au lieu de 1200, cela donne un locataire ravi qui entretient parfaitement le logement et un propriétaire satisfait qui sécurise son bien… La transaction valorise l’un et l’autre et un lien se créé. C’est ce que nous recherchons. À « Clés en main », lorsqu’une location se conclut, les frais - qui ne dépassent pas un mois de loyer - sont répartis à égalité entre le propriétaire et le locataire. Et les propriétaires ne contestent pas.
« Que pensez-vous de l’encadrement des loyers que prévoit le projet de loi Duflot ? »
Les baux de location ne sont enregistrés nulle part, comment va-t-on faire ? En plus, le problème de notre marché, c’est que la moyenne ne veut rien dire. Dans un même immeuble, deux biens inégalement entretenus n’ont pas du tout la même valeur. Dans une même rue, vous pouvez avoir des écarts énormes… Ce que je crains, c’est que les propriétaires augmentent leur prix tout de suite pour se protéger.