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Naissance des Chiffonniers

Naissance des Chiffonniers

Redonner leur dignité par le travail à ceux qui ont trébuché en chemin

"J'avais un local, j'ai mis la pancarte Emmaüs, mais on ne pensait pas alors qu'il y aurait d'autres communautés", aimait à rappeler l'abbé Pierre en évoquant la naissance de la première communauté de "chiffonniers". Une idée jaillie d’une discussion avec un désespéré, comme bien souvent chez cet homme soucieux des autres. "Tout est né de la rencontre avec Georges, un assassin parricide qui voulait se suicider. On m'appelle et je lui dis : ton histoire est malheureuse mais je ne peux rien pour toi, mon salaire de député est dépensé pour secourir des familles qui vivent dans des caves. Puisque toi tu veux mourir, tu es libre, rien ne te retient. Eh bien, avant de te tuer, viens m'aider". Et Georges est venu. 

Ainsi, peu à peu, en France, des communautés ont vu le jour

Comme à Beauvais, en plein hiver 1966, se souvient l’un des habitants. « Un matin, nous apprenons que quinze hommes vont s'installer ici pour fonder une communauté Emmaüs. Certains paroissiens se regroupent pour préparer leur venue. Il faut tout prévoir car ces personnes sont dans le dénuement le plus total. On leur trouve un local, le sous-sol de l'Évêché ; les commerçants proposent de les nourrir pendant quelques jours, des particuliers apportent des couvertures, des lits… »
Les quelques préparatifs terminés, les hommes arrivent. Certains très jeunes, à peine vingt ans, d’autres adultes ; tous forts de leurs bras, leur seule ressource. Aussitôt, ils se mettent au travail, récupérant les objets, les vêtements dont on ne se sert plus. Parallèlement, pour élargir le cercle de leur collecte, il faut informer les autres villages, raconter le fonctionnement d'Emmaüs — peu connu encore à l’époque. Des bénévoles tiennent des « conférences du soir ». Jules, le responsable de la petite communauté, raconte leur histoire à la mairie de Beauvais, évoquant l’abbé Pierre, sa philosophie en matière de solidarité. Peu à peu, l’idée fait son chemin. Et lorsque quelques mois plus tard, en mars 1967, une grande collecte de fer et de papier est organisée dans une usine désaffectée, c’est l’étonnement. Le jour J, des centaines de tracteurs et de véhicules convergent vers l'usine pour déverser le produit de la récupération générale. Du coup, les compagnons vont rester cinq mois de plus que prévu pour trier, retaper, remettre en état. Et monter, en juin, une vente aux enchères qui va rapporter un million de francs de l'époque… une véritable fortune !
Une partie de cette somme financera un Institut pour enfants handicapés inauguré dans les années soixante-dix. Et vingt ans plus tard, une maison de la Solidarité, promise par le Préfet lors du passage de l'abbé Pierre dans la ville, ouvrira ses portes.