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Abbé Road - Interview de JonOne

"Il faut que les jeunes puissent avoir un toit !"

J’aime le jaune, c’est la couleur du soleil, de la vie, du bonheur…. Quand tu as un problème de logement, tu es dans la galère, tu es dans un tourbillon où il n’y a plus rien : pas d’ami, pas d’hygiène, pas de loisirs…. Rien !

J’ai connu la galère du logement, quand on est jeune. Je n’avais pas de toilettes dans l’appartement, je n’avais pas d’eau chaude…  Heureusement que j’ai pu m’en sortir ! À l’époque, déjà, il fallait de l’argent pour avoir un toit et il fallait entrer dans le système « métro-boulot-dodo »…. Moi, dès le départ, ce système-là ne me convenait pas ; heureusement que j’ai pu aller à droite, à gauche, chez des amis ! J’ai aussi vécu en squat.

Jeune, je me sentais exclu

J’étais toujours chez les autres ou avec les autres… jamais « chez moi ». 

20 ans plus tard, je m’aperçois que c’est toujours le même parcours du combattant quand on est jeune, c’est inacceptable ! Quand on est un jeune couple avec un enfant, qu’on gagne un peu plus de 1000 euros et qu’on a 800 euros de loyer et de charges, on fait comment pour vivre ??

En même temps, le problème du logement est un problème complexe. On ne peut pas le solutionner comme ça facilement : il faut que les jeunes puissent avoir un travail, un logement… qu’ils puissent s’exprimer et avoir des passions. C’est eux qui feront notre futur. La France a besoin de sa jeunesse !

Aujourd’hui encore, c’est difficile, voir plus dur ! Il y a moins de squats et je trouve que l’on a créé une nouvelle forme de racisme. Le racisme aujourd’hui, ça n’est plus la couleur de peau, ce sont les riches et les pauvres. Si tu n’es pas riche, tu n’as pas le droit de vivre…

Aujourd’hui, tu demandes un logement dans une grande ville comme Paris, si tu n’as pas d’argent ou un piston, tu fais comment ? Pourquoi cela existe-t-il encore ? Il y a vraiment un gros problème de logement, et même si l’on entend de belles paroles parfois, il y a toujours autant de dossiers en attente ! Si tu es quelqu’un de normal, que tu as un salaire modeste, tu habites où ?? Chez tes parents ? Chez les autres ? Le but de la vie, ça n’est pas d’habiter chez ses parents ou chez les autres… Un logement, c’est important pour grandir

Je me souviens, quand j’étais en galère de logement, à un moment donné, les plans des amis ne fonctionnent plus. Tu ne peux plus appeler personne, c’est TON problème…Compter ses centimes pour vivre, pour se loger, c’est vraiment horrible. Aujourd’hui encore, je garde mes pièces d’un centime dans une bouteille, c’est un réflexe qui date de cette époque-là…

 

L’abbé  Pierre, il faut que les jeunes le connaissent !

L’Abbé, je ne l’ai pas connu mais j’aurais vraiment aimé le rencontrer. La vie de l’abbé Pierre, c’est un peu comme la vie d’un artiste, ça n’est pas une vie pour l’argent. Pour que les jeunes le connaissent, il faut parler de lui assez fort, avec quelque chose qui frappe, comme Abbé Road. Ce qui me plaît chez l’abbé Pierre, c’est qu’il nous dit : « cherche ailleurs ton bonheur ».

La rue, c’est un univers que j’aime et que je connais et que lui aussi a connue. C’est un endroit où tu apprends la vie, la violence, la joie, l’amour... La rue, c’est tout ça à la fois ! L’abbé Pierre, ce qu’il m’a appris, c’est qu’il faut regarder le monde de la rue avec sympathie, sans jugement.

Dans la rue, tu es souvent sur la défensive ; ça n’est pas qu’il faille faire le contraire et aimer tout le monde, non, on n’en est pas tous capable. Mais au moins, regarder l’autre car il est une richesse. On doit tendre la main car un jour, on peut se retrouver à la rue aussi. L’abbé Pierre m’a ouvert les yeux là-dessus. Je ne voyais pas les choses comme ça avant.

Quand j’ai fait la fresque murale au restaurant social de la Fondation Abbé Pierre, à Metz,  j’ai rencontré une femme qui dormait dans un Photomaton depuis 5 ans. La Fondation, ça m’a donné la chance de rencontrer des gens formidables. Le courage de certaines personnes, ces vies incroyables, cela me fait réfléchir, cela m’enrichit…

 

Défendre toutes les causes, non. Celle de la Fondation, oui

Je fais attention à ça, la peinture, le succès, cela peut m’enfermer dans un monde qui n’est pas le mien.

Je suis très souvent sollicité par des associations ; on me contacte pour défendre une cause ou une autre, vendre une de mes toiles aux enchères… C’est presque trop ! Je suis débordé, je n’en peux parfois plus… Je ne suis pas l’abbé Pierre, moi ! La charité, ça n’est pas mon boulot, ça n’est pas mon rôle.


Soutenir la Fondation, pour moi, ça a un sens, cela va dans le sens de mon travail, de ma peinture. Car ma peinture, c’est la rue. Et la rue, les marginaux, c’est le travail de la Fondation Abbé Pierre.  Alors, là, je dis « oui » dès que la Fondation me le demande.

Avec la Fondation Abbé Pierre, je suis en cohérence avec mon travail, avec ma sensibilité.

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